L’Offertoire comme offrande des péchés

Télécharger le contenu de cet article en pdf.

Cet article est un extrait de l’ouvrage Oblation, écrit par Mgr Ducaud-Bourget en 1976. Il s’agit d’un développement poétique de chaque grande partie de la messe. Cet article vous donne accès aux poèmes qui concernent l’Offertoire de la messe.

Chant d’Offertoire

(Oblation des péchés)


Tout cela ne m’appartient plus.

Rien n’appartient plus à l’humanité

qu’elle-même… son péché.

Seigneur, je t’ai donné mes larmes

et le sourire intense de ses joies…

Je te donne maintenant, l’Humanité.


Entre mes mains purifiées

je prends l’hostie frêle et translucide,

mince disque d’un soleil hivernal,

l’hostie que, tout à l’heure, la parole

va transmuer, transsubstantier…


O mon juge, voici tous nos péchés devant toi…

nos craintes, nos erreurs, nos faiblesses, nos haines,

le sordide remous des rancœurs et des hontes,

les blafards lendemains de nos soirs dévastés…

Voici tous nos remords et nos humiliations

après le choc vainqueur et les surprises sales…

voici notre malice aux ricanements pâles…

voici notre sottise aux aventures vagues…

voici notre imprudence et notre orgueil pervers,

le mat croupissement des silences coupables,

voici l’outrecuidance altière qui succombe…

voici les rébellions des virginités chastes

et les déchirements des amours captieuses,

voici nos lâchetés, nos angoisses, nos gênes…

les chutes, les désirs et l’incompréhension,

les douloureux bonheurs, les deuils béatifiques,

l’inassouvissement et l’insécurité,

et les chocs des esprits qui voudraient s’enivrer

mais ne peuvent trouver en eux que l’inquiétude

hors du baiser mental d’âmes en harmonie…

voici les brisements et les dérélictions…


Est-il possible, ô Dieu, de Te connaître

et de choisir encor un autre que Toi-même ?

Avons-nous pu chercher la joie aux apparences

et mépriser le seul réel qu’on ne voit pas ?

Oh ! Je sais que nos sens veulent saisir et vivre

en retenant pour eux les couleurs et les formes.

Créées pour notre terre et les objets terrestres,

ils désirent, en fin, s’apaiser au tangible

et souvent leur espoir les guide aux errements,

dans l’ornière fangeuse aux floraisons menteuses.

Mais nos esprits, Seigneurs, créés et recréés

à cette double vie où la divinité

demeure, se répand, s’illumine et s’embrase,

esprits épanouis par ta révélation,

par ta grâce infusée et par ton Évangile,

mais nos esprits épanouis par ta révélation,

par le mirage épais d’un plaisir matériel ?

Le chaos de nos coeurs et de nos volontés,

la boue opaque et flasque où gisent nos élans,

la brume des regards que les passions aveuglent,

le crime pour l’amour bestial et pour le lucre,

la haine pour la chute et la chute envieuse,

et le vice mesquin baigné, frisé, rasé,

qui s’en fut à confesse en deçà d’attrition,

les odeurs éveillant nos relents d’origine,

le mensonge vénal, cette prostitution,

je racle, autour de moi, dans l’univers entier,

cette vendange acide et cette moisson vile

et je veux les broyer au choc des contritions.


Comme l’or passager des épis et des pampres,

je m’en vais transmuer ces couleurs, ces nuances,

les éclairs décevants, les sombres flammes fauves,

pour en créer, Seigneur, une blancheur nouvelle ;

de la misère aveugle et folle Te former

une hostie humble et chaste en la patène pure.

De mes deux mains levées et suppliantes, Père,

je t’offrirai le pain des fautes quotidiennes,

le vin des voluptés secrètes et sanglantes,

et tous ces repentirs amoureux et sublimes,

transmués de Sagesse et d’albe Charité,

reçois-les, Tout-Puissant, afin que la nature,

la faible et fléchissante, ardente et désireuse

puisse bientôt, dans le mystère des Paroles,

voir ta force sacrée et ta passion divine

changer nos repentirs, nos larmes sur le seuil

en l’extase exultante où ta Face domine…


Reçois ô Père saint, cette hostie immaculée…



Orate, Fratres


La chasuble étendue en un geste d’attrait,

mes bras ployés vers vous, mon peuple,

mes mains se joignent à ma voix

pour vous dire à tous : « Priez…

N’oubliez pas que je ne suis pas seul en face de Dieu.

L’oblation que je viens de faire :

les pleurs, les joies et les péchés

dont l’hostie est pétrie,

ne sont pas seulement les miens…

Rappelez-vous, rappelez-vous, ô peuple,

que mon sacrifice adorant,

c’est aussi le vôtre…

Si mes mains, si ma voix me semble agir,

elles ne sont que le symbole, la traduction,

de ce que vous devez faire dans votre cœur.

Si je m’offre tout entier, c’est vous que j’offre,

car prêtre, je ne suis pas unité, parcelle :

je suis foule ; je suis l’ensemble et le total

des hommes prosternés dans le don parfait.

Priez avec moi ; priez pour moi qui suis vous-mêmes.
Priez pour l’univers, invisible et visible,

pour les vivants et pour les morts.
Priez pour que l’hostie où vous placez vos âmes

soit agréable au Dieu de toute pureté,

à ce Dieu tout-puissant qui veut, de nos faiblesses,

accroître son immensité…

Suivant
Suivant

L’utilité de choisir un jour particulier pour s’offrir à Jésus comme victime.