Prières liturgiques pour les hommes dans le Canon de la messe (Diptyques 1/2)

La messe est essentiellement un sacrifice pendant lequel le Christ se donne à Dieu le Père à la façon d'un culte. Au centre de la messe culmine cet acte par lequel le sacrifice de la croix, c'est à dire la mort de Jésus, vrai homme et vrai Dieu, est renouvelé mystiquement.


Rappel sur le Canon originel et les Diptyques

Un certain nombre de prières ont été ajoutées dans le canon entre le IVème et le VIème siècle, et elles cassent, d'une certaine manière, la grande organicité du canon, sa symétrie d'une part et sa progression qui allait de la Préface au Sanctus, il y avait un Post-Sanctus qui nous amenait jusqu'à la Consécration directement.

Après la Consécration, on avait ces quelques prières qu'on avait vues (voir article ou vidéo sur le Canon central), l’Anamnèse etc., qui nous amenaient directement à la conclusion du Canon.

Canon actuel (messe de saint Pie V)

La Préface, introduit notre canon, elle est suivie du Sanctus qui est semblable en dignité disons. Et juste après, on va avoir ces diptyques. Avant la consécration, on a la prière Te igitur, Memento, Communicantes et Hanc igitur, qui sont des diptyques. On avait notre Épiclèse dont on avait parlé l'autre fois, les deux grandes consécrations, l’Anamnèse et sa suite,et les autres diptyques avant la conclusion solennelle. Les autres diptyques qui sont donc Memento etiam et Nobis Quoque Peccatoribus.

Les diptyques, historiquement, c'est un usage romain, qui n'a pas du tout de rapport avec la messe. C'est une manière d'honorer une personne. On avait une grande tablette de marbre sur laquelle on dessinait la personne, un notable romain, cela se faisait depuis longtemps dans l'Empire. Et de l'autre côté, un petit texte de remerciement, éventuellement le nom de la personne qui avait fait graver ce diptyque, ou alors le nom de la personne pour qui le diptyque a été gravé. Donc diptyque, c'est une sorte de volet double, relié par une lanière de cuir qui s'ouvre à la façon d’un livre.

Les diptyques, historiquement, c'est un usage romain, qui n'a pas du tout de rapport avec la messe. C'est une manière d'honorer une personne. On avait une grande tablette de marbre sur laquelle on dessinait la personne, un notable romain, cela se faisait depuis longtemps dans l'Empire. Et de l'autre côté, un petit texte de remerciement, éventuellement le nom de la personne qui avait fait graver ce diptyque, ou alors le nom de la personne pour qui le diptyque a été gravé. Donc diptyque, c'est une sorte de volet double, relié par une lanière de cuir qui s'ouvre à la façon d’un livre.

Ici le Diptyque du Consul catholique Flavius Stilicho en 395.

L'Église prend de l'importance, IIIe siècle, on sort des catacombes, on commence à avoir des notables chrétiens et des évêques notables. À qui on offrait ce genre de diptyque. Et à qui, puisque les diptyques revêtaient un esprit chrétien, On demandait une intention de prière, on mettait son nom, disant "Monseigneur, priez pour moi pendant votre messe".

On abandonne assez progressivement, assez rapidement le fait d'avoir le nom ou l’image de l'évêque. On a gardé donc le nom des personnes pour lesquelles on voulait l'intention, et on amenait le diptyque à la messe. On le posait sur l’ambon où on lisait le nom des personnes pour qui la messe était célébrée ce jour-là.

L'homme est homme. Beaucoup de gens, disait l'Église, pouvaient s'enorgueillir du fait que ce soit leur nom qui soit dit à la messe, et que la messe soit dite pour eux. Ils ont payé cher pour avoir la messe, ils ont payé un diptyque.

Solution de l'Église : maintenant, les noms seront dit à voix très basse, et c'est cela qui justifie ce petit détail cérémonial pendant les deux diptyques ‘Memento’. Le célébrant est au milieu de l'hôtel, et le cérémoniaire se trouve à sa gauche. Le cérémoniaire, (servant de messe qui assiste le prêtre au Missel) pendant que le célébrant s’apprête à dire la prière Memento, et donc à dire à voix très basse le nom des fidèles, le cérémoniaire s'écarte un petit peu, de sorte à ne pas pouvoir l'entendre. De fait, il ne l'entend pas, même s'il était resté, il ne l'aurait pas entendu. Mais voilà, on a cet usage qui justifie cette cérémonie. Voilà, donc c'est l'origine des diptyques. Maintenant, on a quand même une sorte de développement au cours du Vème, VIème siècle de ces diptyques.

Les diptyques dans notre liturgie latine ce sont divers formulaires du canon, qui sont des prières d’intercession.

Te Igitur

La Commendatio Oblationis

Le premier diptyque, c'est Te igitur. Vous savez, on ouvre le Missel au canon, il y a le grand Te igitur avec cette énorme croix qui prend quelquefois la moitié de la page. Et le prêtre va faire ce geste très exaltant. Il ouvre bien les bras et s'incline profondément vers l'hôtel en l'embrassant.

Le Diptyque Te Igitur, au début du Canon.

« Te igitur, Clementissime », « Père Très bon, nous vous prions humblement et nous vous demandons par Jésus Christ, votre fils, notre Seigneur, d'accepter et de bénir ces dons, ces présences, ces offrandes saintes et sans tâches. »

Le Te igitur, se poursuit un petit peu. En fait, le Te igitur est en deux parties. La première, c'est la Commendatio oblationis. "Commendatio" comme dans "recommandation". "Commendatio oblationis", donc la recommandation de l'offrande. Donc là, on n'est pas sur un diptyque. C'est une sorte de poursuite de ce qui se faisait pendant l'offertoire. Et la deuxième partie, c'est le diptyque. Nous le voyons dans les Missel : souvent, le Te igitur est en deux parties.


Le diptyque commence à « In primis. »

« Tout d'abord, nous vous les offrons pour votre Sainte Église catholique. Daignez à travers le monde entier, lui donnez la paix la protéger, la rassembler dans l'unité et la gouverner.

Et aussi pour votre serviteur, notre Pape (On dit le nom du pape à ce moment-là.), pour notre évêque (On dit le nom de l'évêque.), et pour tous ceux qui, fidèles à la vraie doctrine, ont la garde de la foi catholique et apostolique. »

Justifions le terme de "igitur", qui veut dire "donc". A ce moment-là, on reprend le sujet de la prière précédente, c'était la Préface. La Préface, est une glorification du Fils adressée au Père. Toute la messe est une glorification du Fils vers le Père, mais la Préface le souligne particulièrement, et le Te igitur en sera aussi.

Donc, pour le Te igitur, on commence la prière par "ainsi", et on continue ce mouvement. « Supplices, rogamus, ac petimus », « suppliant, nous vous demandons et nous prions. ». Là, nous avons ce terme de "Supplex". Le "Suplex", c'est celui qui a reçu une punition, c'est un suppliciant, celui qui endure un supplice. Donc le terme a provoqué l'attitude rituelle, puisqu'on disait ‘supplices’, dans la prière, et bien, par imitation, on a fait ce geste d'inclinaison très profonde.

Le prêtre s'exprime dans cette prière, au pluriel, comme chef et interprète de la communauté qui présente les oblations (= les offrandes), et c'est exactement ce qui est en train de se faire : la ‘Commendatio oblationis’.


Le Dyptique du Te Igitur

Le diptyque du ‘Te Igitur’ a fait couler beaucoup d'encre puisqu'il faut dire le nom du pape. Alors, il y en a qui ne sont pas d'accord, qui n'ont pas de pape. Ça peut exister. Quand on n'a pas de pape, on met normalement dans la liturgie, dans cette prière, par exemple pendant le conclave : « Sede apostolica ». On prie de manière impersonnelle pour le siège apostolique.

Je vais reprendre le chanoine Croegaert là-dessus (Professeur de séminaire dans la première moitié du XXème siècle). Il développe de manière intéressante, à mon avis, cette importance de prier pour le pape.

« Émanant de la Sainte Église universelle, le Saint sacrifice eucharistique est offert avant tout pour la Sainte Église universelle elle-même. Cette prière accable de sa condamnation tous les fauteurs de schisme. Comment, en effet, les schismatiques peuvent-ils prétendre prier pour l'Église universellement répandue dont eux-mêmes se séparent ?

Saint Opta de Milèves, en 385, démontre aux donatistes qu'elle constitue un mensonge qui chaque jour souille leur sacrifice. Le terme "Catholica" développé par Toto orbe, terrarum, donc dans la prière, « sur toute la terre », appartient au vocabulaire ecclésiastique du temps de la paix Constantinienne et de la fondation de l'empire romain chrétien. Cette prière développe un thème particulièrement cher dont la tradition remonte au premier temps de l'Église.

La Didaché prie en effet "Souviens-toi, Seigneur, de délivrer ton Église de tout mal et de la rendre parfaite dans ton amour. Rassemble-la des quatre vents, cette Église sanctifiée dans ton royaume, que tu lui as préparée, car à toi est la puissance et la gloire dans les siècles, ainsi soit-il". »


[Avertissement : le but de ce passage n’est pas de décourager ou d’effrayer le sédévacantiste (= celui qui pense le siège du pape vacant), il est possible en cas de conclave ou en cas de désordre passager qu’aucun pape n’occupe le siège de Pierre, y compris lorsque visiblement quelqu’un semble l’occuper : cette opinion est permise par l’Église. Un prêtre qui pense que le siège apostolique est vacant est tout à fait en droit de ne pas dire le nom du pape en fonction dans le Te Igitur, il n’est pas par ce seul acte fauteur de schisme. Il n’existe pas de condamnation qui s’appliquerait à tel prêtre ou aux fidèles qui assisteraient à sa messe.

Prudence par ailleurs pour le sédévacantiste convaincu et prêt à démontrer infailliblement la vacance du siège : un prêtre non sédévacantiste qui dit le nom d’un faux pape au Te Igitur, en ignorant la supercherie, ou en ayant des doutes sur celles-ci ne pèche pas et ne commet pas de sacrilège, la messe n’est pas non plus affectée dans sa licéité, et le fidèle, sédévacantiste ou non, ne pèche pas en y assistant].

Memento

Je passe sans plus de transition à la prière Memento. On a deux Memento dans la messe, un avant la consécration, un après la consécration.

Le premier Memento, c'est le Memento des vivants. On prie pour l'Église militante (ceux d’ici-bas). Pendant le Communicantes, on prie avec l'Église triomphante (ceux du paradis) Pendant le memento des morts, on prie pour l'Église Souffrante (ceux du purgatoire).

Le Diptyque Memento avant la Consécration

« Memento domine », « Souvenez-vous, Seigneur, de vos serviteurs et de vos servantes, et de tous ceux qui nous entourent. Vous connaissez leur foi, vous avez éprouvé leur attachement. Nous vous offrons pour eux, où ils vous offrent pour eux-mêmes ce sacrifice de louange, pour eux et pour tous les leurs, afin d'obtenir la rédemption de leur âme. La sécurité et le salut dont ils ont l'espérance. Et ils vous adressent leur prière à vous, Dieu éternel, vivant et vrai. »

On prie pour les vivants et on prie le Dieu vivant, c’est logique.



Je vous mets directement à côté le memento des morts, on pourra alors faire la comparaison :

Le Dyptique Memento etiam après la Consécration.

« Memento etiam domine », « Souvenez-vous aussi, Seigneur, de vos serviteurs et de vos servantes, qui sont partis avant nous, marqués du sceau de la foi et qui dorment du sommeil de la paix. A cela, Seigneur, ainsi qu'à tous ceux qui reposent dans le Christ, accordés nous vous en supplions le séjour du bonheur de la lumière et de la paix. Par le Christ notre Seigneur. »

On peut diviser en plusieurs parties ce ‘Memento etiam’. Deux parties bien distinctes : du début jusqu'à « Somno pacis », « qui dorment du sommeil de la paix », et puis après « Somno pacis » jusqu'à la fin.

La première partie est vraiment rédigée dans le même style que le premier ‘Memento’ (des vivants), alors que dans le second on sent qu'il y a une sorte de rupture. C'est une manière par laquelle les liturgistes ont déterminé que le Memento est un formulaire composite. (Ce n'est pas du tout un modernisme de dire ça, c'est une réalité.) La deuxième parti du ‘Memento etiam’ est postérieure.

La conjonction « etiam » du « Memento etiam » (= aussi), s'explique du fait que le prêtre prie non seulement pour lui-même mais aussi pour les défunts. Ceux qui nous ont précédé du signe de la foi, c'est une expression qu'on retrouve assez fréquemment dans les liturgies.

Le signe de la foi, c'est le baptême, le caractère inamissible du baptême. On le retrouve dans Saint Paul aux Éphésiens. « C'est en lui le Christ que vous-même, après avoir entendu la parole de la vérité, l'évangile de votre salut, c'est en lui que vous avez cru et que vous avez été marqué du sceau du Saint-Esprit. » Ou du sceau de la foi.

Au sujet du Memento des morts de nouveau, Monseigneur Ducaud-Bourget, écrit une forme de paraphrase poétique qui vaut le détour :


« Dans un lieu de fraîcheur, donne-leur ta lumière.

Maître, à tous nos défunts qui dorment dans la paix,

dans l'amitié clarifiante de ta grâce,

ils ont fermé leurs yeux du signe de la croix.

La foi les a formés aux luttes quotidiennes.

Ils voient maintenant l'immuable réel.

Donne-leur cette fraîcheur de l'âme et cette paix,

la paix des lumières profondes.

Jette sur eux ton indulgence.

Ils furent hommes et par leur repentir,

permirent ta bonté.

Douce miséricorde entre les bras du Christ."

Le grand jardin de la Chartreuse.

Où des moines jadis priaient,

en respirant, le grand jardin planté de cyprès et de lierre.

Accueillent ce jourd'hui les morts et les mourants.

Vous y restez défunts de mon sang de ma race,

dans l'attente des jours où le corps revivra.

Et votre allongement sous les dalles de marbre,

aux croyants trépassés, forment un acte de foi.

Les vieux sont revêtus de la rugueur des luttes.

Et la seule jeunesse, en ce qu'avons recluse, ma sœur,

a conservé la tunique innocente et le voile limpide à son front de clarté.

Il demeure, qui est, certain de l'espérance,

que leurs jours dévotieux après en naissant,

au sein des traditions d'une piété féconde,

en la famille de jadis, au sol français.

Seigneur, as-tu gagné leurs âmes à ta gloire,

le gouffre est si profond de la terre à ton ciel,

que nos cœurs esseulés prennent en confiance le repos,

le salut de tous nos trépassés.

Je viens encore, parfois, au temps des chrysanthèmes,

fleurir de blanc leur tombe, où l'automne s'effeuille,

et dans le sol nourrir des anciennes prières,

et de corps purifiés par les huiles sacrées.

Je sème de ces grains que l'hiver environne,

pour la germination de neige solitaire.

Quand viendra le printemps des fleuraisons divines,

quand vos corps harmonieux aux morts revivront-ils,

quand donc, Résurrection, prendras-tu ces poussières

pour leur rendre à jamais la beauté de jadis ?

Ô vous que j'aime étant vieillards et jeunes filles,

puis-je vous dire mort, vous qui croissez en Dieu,

vous qui, dans la clarté des visions éternelles,

avancez sans moment dans la science d'amour ?

Puis-je employer pour vous notre verbe d'aveugle,

et ne pas discerner votre immobile élan ?

Vous dont la chair n'attend que le signe de l'âme,

pour jaillir hors du sol comme un lys au printemps.

Il faut plutôt que nous, les mourants de la vie,

nous venions à l'enclos des moines en allés,

afin de méditer sur les dalles austères,

le triomphe embaumé de l'immortalité. »


Rappelons-nous ainsi ce terme de cimetière en français, "Coemeterium", ça veut dire le dortoir. Voilà, un lieu de repos, et pas plus que ça un lieu de tristesse, un lieu d'attente éventuellement. On va s’y coucher, puis on se réveille ensuite. 


Louis Djeddi

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